
Les chenilles processionnaires prolifèrent dans l'Orne.
Régulièrement, des actions pour détruire les cocons sont mises en place. C'était le cas près d'Alençon, du 15 au 17 mars 2023.
Les cocons sont retirés, un à un, manuellement. ©L'Orne hebdo
Par Nathalie Legendre, publié le 17 mars 2023 dans L'Orne Hebdo
Pour tout outil, une perche télescopique munie d’un sécateur et de bons yeux. Des salariés de la société Albioclean sont intervenus durant trois jours, du 15 au 17 mars 2023 sur un espace proche du pôle universitaire d’Alençon- campus de Damigny (Orne), afin de détruire de très nombreux cocons de chenilles processionnaires du pin, abrités dans une cinquantaine de pins.
Cinquante-sept pins menacés
Un pin peut contenir de 15 à 20 cocons. ©L'Orne hebdo
L’essentiel : ne pas en rater un. Au total, 57 pins sont ainsi passés en revue. Sitôt un cocon repéré, l’ouvrier se met à l’action. Il faut couper la branche puis récupérer avec précaution le cocon tombé au sol pour ensuite l’incinérer. Seul procédé efficace aujourd’hui dans cette lutte, à l’heure où l’usage de tout produit chimique est proscrit. Mais pourquoi tant d’inquiétude autour de cette chenille ?
Andréa Lenormand est gérant de la société Albioclean, fondée en 2019, dont le siège est installé à Neuilly-le-Bisson. La chasse aux nuisibles est sa spécialité.
« Les poils de ces chenilles sont très urticants. C’est très dangereux pour l’homme et l’animal. Ces poils sont portés par le vent, mais la chenille peut aussi les lâcher en cas de menace. »
Andréa Lenormand, Albioclean
Les poils de cette chenille sont extrêmement venimeux pour les animaux domestiques et provoquent inflammations, brûlures, œdèmes, rougeurs jusqu’à déclencher un choc anaphylactique.
En ce jeudi 16 mars, les cocons sont vides, les chenilles ont déjà quitté le tronc, du fait d’un hiver doux, « mais ils renferment encore de nombreux poils, d’où la menace toujours présente ».
Prolifération accentuée par le réchauffement climatique
Seul moyen pour lutter contre la prolifération : incinérer les cocons. ©L'Orne hebdo
La chenille processionnaire du pin est urticante de l’automne jusqu’au printemps. À l’âge adulte, elle se transforme en papillon. Sa larve prend la forme d’une chenille pouvant mesurer jusqu’à 40 millimètres de long, le corps parsemé de taches rouges et le ventre jaune. Sa prolifération est accentuée par le réchauffement climatique. En été, les papillons pondent leurs œufs dans les branches pins, en très grande quantité. Environ six semaines plus tard, les œufs éclosent, donnant ainsi naissance aux larves, les chenilles, qui vont grandir. Elles tissent alors ces fameux cocons-nids en fils de soie.
Plus il fera chaud et plus leur croissance sera rapide. Sa prolifération est ainsi accentuée par le réchauffement climatique.
Au printemps, elles quittent le nid, se déplaçant le long du tronc les unes derrière les autres, telle une procession. Les chenilles trouvent refuge dans la terre, où elles restent jusqu’à l’été, moment où elles se transforment en papillons, s’envolent, s’accouplent, et le cycle reprend.
Seulement, outre d’être dangereuses pour l’homme, ces insectes sont une menace pour le pin : elles se nourrissent de ses aiguilles, ce qui va petit à petit affaiblir l’arbre, et par voie de conséquence le rendre plus fragile à l’attaque d’autres nuisibles. « Il est donc nécessaire d’agir », rappelle Andréa Lenormand.
« On trouve en moyenne, sur chaque pin, de 15 à 20 cocons ! L’idéal sera ensuite de poser des pièges, autour du tronc, en prévention. La chenille, en descendant, se rend dans se sac qui contient du terreau et y reste. »
Andréa Lenormand, Albioclean
« Un insecte invasif »
La menace est prise au sérieux et la présence des chenilles est annoncée, près du chemin piétonnier. ©L'Orne hebdo
L’intervention de son équipe s’est faite à la demande de l’Esat d’Alençon, en charge de l’entretien de cet espace naturel, qui appartient au Conseil départemental de l’Orne. Une intervention à grande échelle nécessitant des compétences particulières, comme l’explique Vincent Nicolas, chef d’atelier Espaces Verts de l’Esat.
« Avec le changement climatique, on observe une prolifération de ces chenilles qui sont une vraie menace. Quand il y avait peu de cocons, on intervenait nous-mêmes, mais maintenant la situation est telle, qu’il faut agir autrement. »
Vincent Nicolas, Esat d’Alençon
Il l’assure, « la chenille processionnaire est devenue très véloce et invasive ». Les alertes sont régulières sur sa présence en de nombreux sites, à Alençon et ses environs. « On a également un devoir de surveillance. »
Pour lui, la disparition de ce nuisible est impossible, « sur cette parcelle par exemple, un temps négligée, car plus éloignée du pôle universitaire, il faudrait des années de lutte pour remettre en état les pins qui sont en grande souffrance ».
Les chenilles processionnaires du pin descendent le long du tronc. ©DR
Surtout que la lutte doit désormais se passer de produits chimiques, seule une action mécanique est autorisée « c’est beaucoup plus lent en termes de résultats ». Pas question de regretter quoique ce soit, mais juste d’être réaliste et sans doute comprendre que les nouvelles plantations devront prendre en compte, et le changement climatique et un entretien plus espacé.
De son côté, Andréa Lenormand et son équipe d'Albioclean poursuivent leurs efforts. Longeant les pins, le chemin piétonnier est couramment utilisé. Une pancarte « danger » alerte les promeneurs de la présence de cette petite chenille urticante avec laquelle il ne faut pas plaisanter.